Approche compétences pour la recherche

Pascal André Nantes université, LS2N, UMR 6004

Les compétences en recherche vont bien au delà des contributions scientifiques, que l’on met en avant dans les publications. Elles couvrent aussi le savoir-faire, le savoir-être, l’éthique, le travail collaboratif, la gestion (humaine, de projet, des risques, d’équipe…), ou encore la culture d’amélioration continue et d’innovation. Il paraît pertinent pour un chercheur de réfléchir à la pratique de la recherche et au savoir-faire en ces termes. Notre contribution dans cet article est une synthèse autour des compétences en recherche, présentée sous forme d’un référentiel, qui peut servir à établir un bilan de compétences.

Au delà des thématiques et des défis scientifiques à relever, diriger des recherches c’est diriger des projets1 à plus ou moins long terme, diriger des personnes, communiquer avec des tutelles et des partenaires, transférer des connaissances vers l’enseignement ou la société, établir des stratégies. Il y a donc des compétences de management et de communication à maîtriser. Diriger des recherches implique des compétences qu’on peut répertorier de manière classique en trois catégories :

  • savoirs et connaissances des domaines scientifiques et techniques (domaines, problèmes et défis, pistes de solutions et contributions) ;
  • savoir-faire (gestion d’activités, gestion de projets de recherche, management…, etc.) ;
  • savoir-être (gestion humaine, communication, transmission, pilotage, déontologie, curiosité, innovation…).

Nous avons placé la déontologie dans le savoir-être mais cela pourrait être une catégorie à part entière, car ne pas réfléchir aux conséquences de ses recherches est dangereux. La science, tout comme la liberté d’expression, n’autorise pas tout et n’excuse pas tout. Dans certains domaines, comme l’intelligence artificielle ou la cybernétique, les enjeux déontologiques, sociaux et les conséquences humaines sont cruciaux. Dans le domaine du génie logiciel et son volet « dependability and security », les défauts non détectés du logiciel peuvent avoir des conséquences matérielles, financières ou humaines.

Cet article vise à discuter de ces compétences, les analyser en les illustrant, le cas échéant. Trois rôles sont distingués : le chercheur, l’encadrant et le directeur de recherche. Pour chacun, nous identifions les éventuels référentiels de compétences et en l’absence de propositions un référentiel est suggéré.

Nous distinguons le référentiel du chercheur, qui doit savoir chercher des réponses à des problèmes dans un espace délimité, de celui du directeur, qui mène les recherches, doit savoir où on va et comment y aller (ensemble). Entre le chercheur et le directeur, se trouve l’encadrant, qui est un chercheur (confirmé) dirigeant des étudiants en thèse. Nous explorons donc le spectre des compétences sur ces trois rôles que peut prendre une personne dans la recherche. Ces rôles sont in fine des niveaux de maturité, en ce sens qu’un directeur est aussi un encadrant qui est un chercheur.

Référentiels de compétences d’un chercheur

L’approche compétence, qui s’applique progressivement dans l’enseignement, se diffuse aussi à la formation par la recherche.

Référentiel de compétences d’un docteur

Il existe depuis 2019, un référentiel des compétences attendues des titulaires du diplôme de doctorat, qui est défini par l’arrêté du 22 février 20192. La délivrance du doctorat certifie la capacité à produire des connaissances scientifiques nouvelles de haut niveau ainsi que l’acquisition et la maîtrise de blocs de compétences communs à l’ensemble des docteurs et liés à leur formation par la recherche. Son objectif n’est pas directement d’évaluer les docteurs mais de favoriser le recrutement des docteurs par les employeurs des secteurs de la production et des services. Le référentiel des compétences attendues pour un docteur (et par extension pour un chercheur) est composé de 6 blocs de compétences2, que nous rappelons ici pour y faire référence ensuite.

Bloc 1 — Conception et élaboration d’une démarche de recherche et développement, d’études et prospective

  • Disposer d’une expertise scientifique tant générale que spécifique d’un domaine de recherche et de travail déterminé ;
  • faire le point sur l’état et les limites des savoirs au sein d’un secteur d’activité déterminé, aux échelles locale, nationale et internationale ;
  • identifier et résoudre des problèmes complexes et nouveaux impliquant une pluralité de domaines, en mobilisant les connaissances et les savoir-faire les plus avancés ;
  • identifier les possibilités de ruptures conceptuelles et concevoir des axes d’innovation pour un secteur professionnel ;
  • apporter des contributions novatrices dans le cadre d’échanges de haut niveau, et dans des contextes internationaux ;
  • s’adapter en permanence aux nécessités de recherche et d’innovation au sein d’un secteur professionnel.

Bloc 2 — Mise en œuvre d’une démarche de recherche et développement, d’études et prospective

  • Mettre en œuvre les méthodes et les outils de la recherche en lien avec l’innovation ;
  • mettre en œuvre les principes, outils et démarches d’évaluation des coûts et de financement d’une démarche d’innovation ou de R & D ;
  • garantir la validité des travaux ainsi que leur déontologie et leur confidentialité en mettant en œuvre les dispositifs de contrôle adaptés ;
  • gérer les contraintes temporelles des activités d’études, d’innovation ou de R & D ;
  • mettre en œuvre les facteurs d’engagement, de gestion des risques et d’autonomie nécessaire à la finalisation d’un projet R & D, d’études ou d’innovation.

Bloc 3 — Valorisation et transfert des résultats d’une démarche R & D, d’études et prospective

  • Mettre en œuvre les problématiques de transfert à des fins d’exploitation et valorisation des résultats ou des produits dans des secteurs économiques ou sociaux ;
  • respecter les règles de propriété intellectuelle ou industrielle liées à un secteur ;
  • respecter les principes de déontologie et d’éthique en relation avec l’intégrité des travaux et les impacts potentiels ;
  • mettre en œuvre l’ensemble des dispositifs de publication à l’échelle internationale permettant de valoriser les savoirs et connaissances nouvelles ;
  • mobiliser les techniques de communication de données en « open data » pour valoriser des démarches et résultats.

Bloc 4 — Veille scientifique et technologique à l’échelle internationale

  • Acquérir, synthétiser et analyser les données et informations scientifiques et technologiques d’avant-garde à l’échelle internationale ;
  • disposer d’une compréhension, d’un recul et d’un regard critique sur l’ensemble des informations de pointe disponibles ;
  • dépasser les frontières des données et du savoir disponibles par croisement avec différents champs de la connaissance ou autres secteurs professionnels ;
  • développer des réseaux de coopération scientifiques et professionnels à l’échelle internationale ;
  • disposer de la curiosité, de l’adaptabilité et de l’ouverture nécessaire pour se former et entretenir une culture générale et internationale de haut niveau.

Bloc 5 — Formation et diffusion de la culture scientifique et technique

  • Rendre compte et communiquer en plusieurs langues des travaux à caractère scientifique et technologique en direction de publics ou publications différents, à l’écrit comme à l’oral ;
  • enseigner et former des publics diversifiés à des concepts, outils et méthodes avancés ;
  • s’adapter à un public varié pour communiquer et promouvoir des concepts et démarches d’avant-garde.

Bloc 6 — Encadrement d’équipes dédiées à des activités de recherche et développement, d’études et prospective

  • Animer et coordonner une équipe dans le cadre de tâches complexes ou interdisciplinaires ;
  • repérer les compétences manquantes au sein d’une équipe et participer au recrutement ou à la sollicitation de prestataires ;
  • construire les démarches nécessaires pour impulser l’esprit d’entrepreneuriat au sein d’une équipe ;
  • identifier les ressources clés pour une équipe et préparer les évolutions en termes de formation et de développement personnel ;
  • évaluer le travail des personnes et de l’équipe vis à vis des projets et objectifs.

À l’école doctorale « Mathématiques et sciences et technologies du numérique, de l’information et de la communication » (MaSTIC3) des pays de la Loire, le rapport d’avancement soumis au comité de suivi individuel (CSI) contient depuis 2023 un volet « auto-évaluation des compétences ». Pour leur comité de suivi individuel, les doctorants sont invités à noter et à dater, au fil de l’année, les formations suivies, leurs réalisations, leurs publications et communications, et plus généralement tout ce qui atteste leurs compétences.

Il faut maîtriser son domaine de recherche (bloc 4) et son périmètre (bloc 1), définir et évaluer ses contributions (bloc 2), imaginer l’usage (bloc 3), communiquer ses résultats ou son expertise (bloc 5) et encadrer une équipe (bloc 6).

Certaines compétences se retrouvent sur plusieurs blocs, comme la déontologie de recherche et l’éthique, pour lesquelles des formations sont obligatoires, ou l’innovation et la R & D. On note que certaines compétences sont évaluables par la formation et pas forcément par la pratique. Le bloc 4 se mélange un peu avec le bloc 1 ; on aurait pu séparer maîtrise continue du domaine thématique (bloc 1 et les trois premières compétences du bloc 4) et positionnement dans le domaine (réseautage, collaborations du bloc 4).

Référentiel de compétences d’un enseignant-chercheur

Dans son document « Repères pour l’exercice du métier d’enseignant-chercheur » [5], le ministère de l’Enseignement supérieur (MESRI) propose un référentiel de 11 compétences classées en :

  • compétences communes à toutes les activités (éthique, intégrité, égalité, savoir-être, responsabilité, travail d’équipe, communication appropriée…) ;
  • compétences à l’intersection des activités de recherche et de formation (maîtrise disciplinaire, posture réflexive) ;
  • compétences spécifiques à la formation (non détaillé ici) ;
  • compétences spécifiques à la recherche (conduire des projets de recherche, diffuser la production).

Chacune d’entre elles est explicitée sous la forme d’objectifs.

L’aspect recherche reste très limité au regard du référentiel du docteur mais aussi complémentaire pour la partie compétences communes, qui relèvent aussi du comportement en société. En particulier, l’encadrement se résume à « encadrer des travaux de recherche » ce qui ne met pas en évidence des compétences spécifiques.

Comme beaucoup de référentiels, ce référentiel ne décrit pas les compétences sous forme de « capacité à » mais sous forme d’actions, d’activités ou ici d’objectifs, ce qui facilite leur compréhension et leur objectivisation. Le risque dans l’évaluation des compétence est d’être purement quantitatif, voire binaire : on a réalisé telle ou telle activité, ou atteint tel ou tel objectif. En pratique, la manière d’atteindre les objectifs — et donc le volet qualitatif de l’évaluation des compétences — sont bien plus nuancés et subtils.

Un référentiel empirique

Au fil de mes encadrements, j’ai recensé informellement un ensemble de compétences attendues pour le docteur, appliqué au génie logiciel. J’indique pour chacune la correspondance avec les blocs de compétences du référentiel (les blocs 3 valorisation et 6 encadrement ne sont pas couverts dans mes attentes) :

  • maîtriser son périmètre de recherche (savoir de quoi on parle), blocs 1 & 4 ;
  • contribuer au domaine (trouver des idées originales), bloc 2 ;
  • implémenter et expérimenter (savoir développer et tester sur des cas d’étude), bloc 2 ;
  • présenter ses recherches (savoir communiquer), bloc 5.

Pour chaque compétence, on peut évaluer sur une échelle le niveau de compétence4.

Conclusion

Le référentiel officiel du doctorant est celui qui s’applique implicitement aux chercheurs. Les compétences de ce référentiel s’appliquent donc implicitement à ceux qui les encadrent. L’encadrant doit couvrir d’autres compétences puisqu’il doit faire monter en compétences les doctorants. Nous les étudions dans la section suivante.

Référentiels de compétences d’un encadrant

Nous utilisons ici le terme générique « encadrant » pour désigner une personne qui participe à l’encadrement d’une thèse et donc à faire monter en compétences le doctorant. Dans la charte du doctorant de Nantes Université5, le terme utilisé est « le(s) directeur(s) de thèse ». Dans le document de suivi individuel (CSI) de l’écode doctorale MaSTIC6, quatre termes sont utilisés (directeur de thèse, co-directeur, co-encadrant, autre co-encadrant), les règles de composition étant définies dans le règlement intérieur7

Étude de l’existant

Sur le site du ministère de l’éducation nationale, une fiche donne le rôle du maître d’apprentissage8 : « Le maître d’apprentissage doit posséder des compétences professionnelles mais aussi des qualités pédagogiques. […] Il assure la formation pratique de l’apprenti et l’accompagne vers l’obtention de son diplôme. Il forme l’apprenti sur son temps de travail, se rend disponible pour répondre aux questions de l’apprenti et s’assurer de son intégration. »

Sur le site du ministère de l’emploi on trouve un référentiel de compétences9 pour la certification relative aux compétences de maître d’apprentissage / tuteur (cf. table 1), qui finalement reste au niveau organisationnel; il décrit des activités.

DC Domaines de compétences Compétences professionnelles
1 Accueillir et faciliter l’intégration de l’apprenti / alternant 1 Préparer l’arrivée de l’apprenti / alternant dans l’entreprise
2 Accueillir l’apprenti / alternant à son arrivée dans l’entreprise
3 Faciliter l’intégration de l’apprenti / alternant durant la période d’essai
2 Accompagner le développement des apprentissages et l’autonomie professionnelle 4 Suivre le parcours avec le centre de formation
5 Organiser le parcours au sein de l’entreprise
6 Accompagner l’apprenti / alternant dans son parcours d’apprentissage
3 Participer à la transission des savoir-faire et à l’évaluation professionnelle des apprentissages 7 S’appuyer sur des situations de travail pour développer l’apprentissage
8 Guider la réflexion de l’apprenti/alternant sur ses activités professionnelles et d’apprentissages
9 Évaluer les acquis des apprentissages en situation de travail
Table 1. Certification relative aux compétences de maître d’apprentissage9.

Le Conseil national des universités (CNU) a publié en 2021 un rapport sur la « Concertation sur le recrutement des enseignants-chercheurs10 », qui contient des préconisations au sujet des HDR et notamment « Définir les compétences transversales attestées par l’HDR, en regard des quatre objectifs portés par l’arrêté du 23 novembre 1988 ». Enfin l’Hcéres reprend en 2022 le référentiel CITE11 niveau 8 de l’UNESCO, pour l’inscrire dans la politique des établissements pour une formation pour et par la recherche. Il concerne donc plus la formation doctorale que l’encadrement.

À l’école doctorale MaSTIC, ni le règlement intérieur7 ni la charte du doctorat des pays de la Loire5 ne stipulent d’éléments au sujet des rôles et compétences de l’encadrement. Il est simplement mentionné : « la déontologie inspirant les dispositions réglementaires en vigueur et les pratiques déjà expérimentées dans le respect de la diversité des disciplines et des établissements » et « la direction de thèse doit dégager le caractère novateur du projet dans le contexte scientifique et s’assurer de son actualité ». Ces éléments couvrent partiellement le bloc 1 de compétences du référentiel du chercheur de la section « Référentiels de compétences d’un chercheur ». « La direction de thèse doit définir et rassembler les moyens à mettre en œuvre pour permettre la réalisation du travail dans de bonnes conditions ». Plus que des compétences attendues, on y trouve donc des règles administratives (sortes de droits et devoirs utiles en cas de conflit), organisationnelles ou déontologiquesn e.g. l’intégrité scientifique.

L’éducation nationale8 mentionne que le maître d’apprentissage « peut encadrer 2 apprentis et 1 redoublant au maximum ». À l’université, le nombre maximum d’encadrants par thèse est défini par le conseil de chaque école doctorale. L’arrêté du 25 mai 201612 fixe le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat fixent les conditions. À l’école doctorale MaSTIC, le règlement intérieur7 stipule les points suivants. « Un minimum de 40 % d’encadrement est attribué à la direction de doctorat qui s’engage à y consacrer une part significative de son temps. Le pourcentage majoritaire d’encadrement doit être attribué à la direction. Le pourcentage minimum pour une co-direction ou un co-encadrement est porté à 30 %. Une direction ou une co-direction de doctorat HDR ne peut encadrer en même temps plus de 6 doctorants ou doctorantes dans la limite de 300 %. »

Littérature

Pour terminer, notons un article intéressant, « Encadrer des thèses : d’abord, ne pas nuire » en deux volets : (1) État d’un champ de recherche [2] et (2) Diriger c’est enseigner [3]. Nous avons tous connu ou vécu des situations de dérives d’encadrements dans notre parcours universitaire. Du simple abus de pouvoir au harcèlement, certaines situations deviennent récurrentes ou des habitudes dans tel ou tel domaine ou avec telle ou telle personne. Cet article collectif récent est une contribution réflexive sur les pratiques pédagogiques d’encadrants de thèse, en géographie humaine, en France.

Le premier volet ouvre une réflexion sur le vocabulaire (directeur, encadrant, patron, superviseur…), les textes réglementaires, la littérature scientifique existante, et l’importance qu’il y a à inscrire la thèse dans une trajectoire professionnelle. Les auteurs insistent sur le lexique, qui est important pour établir la relation entre doctorants et encadrants, entre le rapport hiérarchique et la soumission, l’autonomie et l’obéissance, l’épanouissement et le conditionnement. Le respect mutuel est important dans la relation de pouvoir dont il faut éviter les abus. On y trouve des références au management (et à ses abus) et à la pédagogie. Les auteurs mentionnent trois styles d’encadrement : « Un premier style d’encadrement correspond à un faible niveau d’engagement (laissez-faire), soit une direction de thèse peu structurée, peu accompagnante, dans un faible niveau d’interaction. Le modèle pastoral est centré sur les besoins du·de la doctorant·e et son soutien, mais est moins orienté vers des tâches et les objectifs. Le style directorial met de côté ces questions d’interactions non immédiatement relatives aux tâches de la recherche pour se concentrer sur les livrables, les soumissions, les objectifs à court terme dans une pratique relevant plus du micro-management. Le modèle contractuel enfin s’adresse à des candidat·es particulièrement motivé·es et autonomes mais l’encadrant·e exerce à la fois une gestion par compétences, une mise en oeuvre des objectifs et des relations interpersonnelles d’ordre professionnel de haute intensité. La relation est explicitée en amont sur les droits et devoirs de chacun·e : c’est un contrat social, un pacte scientifique et professionnel [2] ». Les auteurs rappellent le lien avec l’apprentissage de compétences, de manières de faire, de penser et d’être (hard skills, soft skills) mais aussi avec le mentorat, pour inspirer sans contraindre.

Le second volet est plus une réflexion sur les pratiques. On y trouve le besoin de pédagogie dans « Notre conviction est qu’encadrer, c’est d’abord enseigner » [3] que nous évoquons de manière plus large à travers l’apprentissage dans la section « Encadrement individuel (tutorat) ». Les auteurs proposent un référentiel des tâches (pas des compétences), en les reliant à l’éthique et aux responsabilités qu’elles engagent. Les tâches suivantes sont discutées :

  1. dire oui, dire non ;
  2. trouver un financement ;
  3. construire le projet ;
  4. installer ;
  5. communiquer et réagir ;
  6. accompagner ;
  7. former ;
  8. écrire ;
  9. socialiser ;
  10. un mentor pour longtemps.

Les propos sont illustrés par des situations concrètes et inspirées de la réalité.

Finalement, la réflexion menée semble porter plus sur faire en sorte que le doctorat ne se passe pas mal alors que nous développons plus les compétences à développer par les encadrants pour que ça se passe bien.

Proposition

En l’absence de référentiel pour l’encadrant, nous proposons une réflexion sur le sujet, qui pourrait ultérieurement être déclinée en compétences plus fines. Pour la présenter, prenons le petit modèle de classes de la figure 1.

Les compétences competences-D du Doctorant sont celles du référentiel du chercheur de la section « Référentiels de compétences d’un chercheur ». On les suppose acquises par le chercheur , qui fut auparavant Doctorant. Les compétences de l’Encadrant sont clairement des compétences de management. Inversement, on n’est pas encore dans les compétences de pilotage du directeur de recherche qui gère un ensemble de recherches (cf. section « Référentiels de compétences d’un directeur de recherche ») comme un manager en entreprise qui gère un portefeuille de projets. L’échelle est donc plus réduite car on considère le seul projet de thèse13 et les aspects financements de la thèse sont volontairement omis. Plus précisément, l’encadrant doit à la fois en faire moins qu’un chef de projet (de thèse), un seul projet est géré mais il doit en faire plus car l’objectif est moins de faire faire des tâches au doctorant qu’apprendre au doctorant à les faire, l’encadrant est un tuteur, il ne fixe pas le chemin mais aide à le trouver.

Fig. 1. Modèle statique des compétences (diagramme de classes UML).

Comme le montre la figure 1, il y a deux cas bien distincts en termes de compétences d’encadrement : le cas d’un encadrement individuel et l’encadrement collectif. Dans le modèle, Encadrant est une classe abstraite qui a deux sous-classes distinctes. L’encadrement collectif doit posséder de nouvelles competences-EE de travail en équipe pour parvenir aux competences-E de l’encadrement individuel. De plus chaque chercheur doit avoir des competences-CC de chercheur collectif pour travailler en équipe, qui complètent les competences-E d’un encadrant individuel.

Encadrement individuel (tutorat)

Me basant sur ma propre expérience, j’estime, de prime abord, que l’encadrant doit posséder deux qualités : pédagogie et empathie. En effet le rôle est d’accompagner le doctorant dans son parcours, pas de diriger au sens strict du terme, il n’y a pas de chef mais plutôt un tutorat. Noter qu’il existe un dispositif complémentaire à l’université de Nantes, dit de mentorat, qui est un accompagnement indépendant et non intrusif sur le déroulement de la thèse. Le savoir-être prime sur le savoir-faire de gestion de projet (découpage des activitées, ordonnancement, répartition…). Il s’agit de compétences de management des personnes et d’enseignement. Détaillons quelques competences-E d’Encadrement.

L’idée est de mettre en situation pour faire réfléchir à comment faire les choses. Cette compétence couvre différentes facettes. L’encadrant doit non seulement donner des exemples mais aussi montrer l’exemple. L’accompagnement dans les premières réalisations peut se faire en coconstruction. On doit alors guider le doctorant à organiser son activité sans définir et planifier précisément.

La transmission n’est pas un processus systématique. Elle s’adapte aux qualités et compétences du doctorant. Certains aiment avancer en autonomie, savent la direction à suivre, d’autres pas. Le doctorant a des affinités pour certains types d’activités (analyser, réfléchir, expérimenter, tester, présenter les travaux), le déroulement en tient compte. J’ai suivi des doctorants très différents. Certains, indépendants, avancent seuls et rendent compte de leur avancement ; d’autres ont besoin de rendez-vous réguliers. Certains doctorants ont besoin d’être accompagnés. L’empathie n’est pas le laisser-faire. S’adapter c’est alors trouver la forme de discours pour avancer (encourager, fixer des objectifs, évaluer les résultats, challenger…), refaire différemment, changer d’orientation.

Toutes les thèses ne vont pas à la même vitesse et tous les doctorants ne butent pas sur les mêmes difficultés. Les sujets sont tous différents. Au delà de cette variété, une manière de procéder convient à certains mais pas à d’autres. L’encadrant doit se remettre en cause en cas d’échec ou de difficulté, analyser les causes pour savoir si le problème vient du sujet, du doctorant ou de la façon de procéder. Sur certaines thèses, nous avons dû improviser en fonction des échecs (ou succès).

Si une méthode ne convient pas, on essaie une autre. Par exemple on suggère telle ou telle activité en autonomie, si elle échoue on peut la faire ensemble et collaborer. On peut aussi alterner les activités de découverte, d’analyse, de proposition, de production en fonction de l’avancée. La difficulté est réelle quand la montée en compétence ne se fait pas ou tellement lentement qu’elle met en péril l’avancement.

La gestion de projet, l’évaluation de charge, la planification sont des savoir -faire opérationnels importants mais ne constituent pas pour moi des compétences à atteindre dans le rôle « encadrant » car c’est difficilement répétable, car chaque sujet est différent et chaque doctorant est différent. Il n’y a pas non plus un processus global systématique pour aborder les problèmes d’un encadrement de thèse qui garantisse la réussite. De même, gérer le temps est important dans le déroulement d’une thèse, mais là encore, c’est la rigueur du suivi qui importe plus qu’une compétence spécifique : la compétence E4 prime. Finalement les blocs 1 et 2 du référentiel de compétences du chercheur de la section « Référentiels de compétences d’un chercheur » couvrent ce point.

Notons enfin, que ces compétences lorsqu’elles sont appliquées, prémunissent en grande partie des problèmes de discrimination, de harcèlement et d’éthique. Si l’éthique fait partie de la formation doctorale, la lutte contre les harcèlements et inégalités sont l’affaire de tous et des formations doctorales sont proposées pour les doctorants et les encadrants.

Encadrement collectif (équipe)

L’encadrement collectif donne un rapport de forces inverse à celui d’une gestion de projets : plusieurs personnes dirigent une personne. L’idée est de travailler ensemble pour un objectif commun : la réussite de la thèse. Dans l’encadrement collectif, on souhaite atteindre les competences-E de manière collaborative, avec malgré tout des rôles plus ou moins formels dans la prise de décision comme directeur, codirecteur et coencadrant. Le directeur doit être rigoureux dans les procédures administratives mais peut s’effacer (en tant que chef) dans la collaboration. On ne considère pas ici les cas où le directeur n’a qu’un rôle administratif, lié à son statut HDR par exemple.

Me basant sur ma propre expérience, j’estime que l’encadrement collectif doit posséder trois qualités : cohérence, complémentarité et complétude. L’objectif est de pouvoir, non pas parler d’une seule voix mais de tenir le même discours, à variante près. Si les encadrants ne sont pas d’accord, le doctorant se trouve tiraillé et désorienté. La complétude signifie que l’ensemble des compétences de chacun couvre les compétences attendues pour l’encadrement. La complémentarité signifie qu’enlever un encadrant diminue le spectre des compétences. Le collectif doit disposer des compétences d’encadrement en équipe, competences-EE.

Cette compétence collective va influer sur l’organisation de l’encadrement, la distribution des rôles, la structure hiérarchique ou collaborative des processus de décision et processus opérationnels. Elle est liée à l’expérience et l’histoire de chacun, aux compétences et caractères individuels, aux ego, etc. Chacun doit trouver un rôle à sa mesure et il faut pouvoir répartir des rôles différents. Cela devient une compétence du groupe quand elle émerge des compétences individuelles CC1 et CC2.

Cette compétence est relative au pilotage ou la stratégie. On doit fixer le cap, prévoir, anticiper et décider. Si les points de décisions sont émergents alors ils sont moins remis en cause.

Détaillons quelques compétences de collaboration des chercheurs, competences-CC, amenant aux compétences d’encadrement collectif, competences-EE.

Cette compétence regroupe diverses compétences de savoir-être qui mènent à une certaine unité d’action dans la réalisation des compétences E1 à E4 en particulier pour la communication. On retrouve ici aussi la bienveillance mais aussi la vigilance.

Si la compétence CC1 se focalise sur les relations, la compétence CC2 se focalise sur l’action, on analyse, on propose, on agit. Le chercheur doit être actif dans le groupe.

Cette compétence, qui va de pair avec EE3, est indispensable dans les collaborations pluridisciplinaires ou internationales.

Notons enfin que les écoles doctorales et le ministère progressent dans le sens d’une meilleure définition et d’un meilleur suivi des encadrements des thèses. La réflexion, dans ce cas, vise aussi un objectif supplémentaire, celui d’éviter des problèmes humains durant la thèse tels que mentionnés dans [3].

Les compétences mentionnées dans cette section, s’appliquent à tout encadrant et donc implicitement à ceux qui dirigent des travaux de recherche. Mais le directeur doit aller plus loin puisqu’il doit manager les équipes, les thématiques et les projets.

Référentiels de compétences d’un directeur de recherche

Le rôle de directeur de recherche est de piloter et gérer les recherches, il doit donc avoir des compétences de management.

Étude de l’existant

Le management est un domaine vaste et complexe. Le lecteur trouvera dans [1], un tour d’horizon très accessible et dans [4] des fiches pratiques pour piloter une équipe. On manage14 des entreprises, des organisations, des associations, des projets, ou plus spécifiquement les ressources, la qualité, la performance, l’innovation, les systèmes d’information… Dans [1], il n’y a pas une définition mais trois définitions qui couvrent différents aspects autour de l’organisation, les activités et les ressources, dont les individus. Les fonctions principales du manager se regroupent en cinq catégories :

  1. prévoir et planifier ;
  2. organiser ;
  3. diriger et être un leader ;
  4. coordonner ;
  5. contrôler.

On considère habituellement trois niveaux de management, le niveau stratégique (cadres dirigeants ou top management), le niveau tactique (cadres intermédiaires ou middle management) et le niveau opérationnel (cadres fonctionnels ou operational management). Les auteurs de [1] définissent des proportions de types de compétences associées (cf. figure 2) . Un cadre intermédiaire, tel qu’un directeur de recherche, doit couvrir tous les domaines de compétences. Les connaissances et compétences y sont classées en 4 catégories :

  1. analytiques ;
  2. humaines ;
  3. techniques ;
  4. interculturelles.

Les catégories 1 & 3 sont de type hard skills (savoirs et savoir-faire), les catégories 2 & 4 soft skills (savoir-être). « Les compétences d’un manager s’affinent et s’élargissent avec l’expérience » [1].

Fig. 2. Compétences et hiérarchies du management [1].

En termes de référentiels de compétences du management, il semble y avoir autant de référentiels que d’organisations et une bonne pratique pour les entreprises est de définir un référentiel personnalisé qui prend du sens. « Le référentiel de compétences managériales est à la fois un outil et une méthodologie d’évaluation des compétences des managers. Il est élaboré, le plus souvent, par le service des ressources humaines. Ce référentiel permet de définir les compétences stratégiques pour l’entreprise et de les mesurer, de partager les besoins en compétences au sein des parties prenantes internes et de renforcer la culture d’entreprise »15 (Le Figaro). L’exemple d’évaluation16 de compétence de la figure 3 montre que la liste des compétences peut être longue si on entre dans les détails.

Fig. 3. Radar des compétences managériales16.

Au niveau RNCP, la fiche RNCP36493 « Manager des entreprises et des organisations »17, propose une certification pour les chefs d’entreprise sur de nombreuses compétences organisées en quatre blocs de compétences communs à l’ensemble des parcours ainsi que d’un bloc de spécialisation à choisir parmi 3. Les compétences recouvrent surtout les activités de gestion d’entreprise dans son contexte économique, financier et légal.

Du point de vue institutionnel, on trouve un référentiel sur le site du Centre national de la fonction publique territoriale18 qui détaille les activités et compétences en savoir-faire et savoirs pour les cadres de fonction publique territoriale. Curieusement, le savoir-être n’est pas traité, alors qu’il est souvent vu comme prioritaire dans les entreprises, et très marquant pour les doctorants. Sur le site du ministère de la transformation publique, se trouve un référentiel de pratiques managériales dans un environnement complexe19. Il regroupe les savoir-faire et pratiques par fonction managériale (pilote, animateur, contributeur, coach, leader) dont la valorisation, selon une grille d’évaluation, mène à un graphique radar du type de la figure 3.

Proposition

En l’absence de référentiel pour le directeur de recherche, nous proposons donc une réflexion sur le sujet, qui pourrait ultérieurement être déclinée en compétences plus fines.

Si on considère un laboratoire de recherche comme une entreprise, le niveau stratégique est celui de la direction du laboratoire, le niveau tactique est celui des équipes (ou groupes d’équipes) et le directeur de recherche apparait plutôt au niveau opérationnel du management (cf. début de la section précédente « Étude de l’existant »). Le périmètre de management considéré est « diriger des recherches et des chercheurs » et non « diriger un laboratoire avec des personnels administratifs et techniques ». Le directeur de recherche (DR) est plus manager fonctionnel que hiérarchique (sauf pour les doctorants, les personnels techniques ou les personnels contractuels d’un projet). Il doit avoir une vision globale sur ses thématiques et la décliner dans des activités opérationnelles de recherche, dont l’encadrement de thèse n’est qu’un exemple. On peut classer ces activités simplement en deux catégories : les sujets et les projets. Ces derniers impliquent une gestion des ressources (humaines, financières, techniques), une planification dans le temps, une gestion financière, etc.

Proposons quelques groupes de compétences DR. Pour éviter des confusions, nous mentionnons « groupe de recherche » plutôt que « équipe de recherche » qui relève souvent de l’organisation structurelle d’un laboratoire.

Pour diriger des recherches il faut savoir où on va et comment on y va. Cette compétence est relative aux choix thématiques, à la priorisation des sujets et à la structuration des activités pour chaque sujet. Outre la connaissance et la maîtrise du domaine (on retrouve ici de manière plus exigeante les compétences des blocs 1 & 2, mais aussi la partie démarche du bloc 6 du référentiel du doctorant). Des sous-compétences y sont associées telles que la capacité d’innovation, l’opportunisme, l’ambition. Une partie des sujets donne lieu à des projets, qu’il faut monter en collaboration avec d’autres chercheurs auprès de financeurs.

Le second point relève de la maîtrise de l’environnement (acteurs majeurs, courants…), de l’habilité politique avec des compétences de négociation et d’association.

Cette compétence est indispensable pour établir des collaborations de recherche. Elle se développe avec l’expérience par les conférences, les échanges, les commissions, les groupes thématiques, etc. Il faut s’informer et tenir informer la communauté. Bien sûr cela dépend des thématiques, l’écosystème varie d’une thématique à l’autre. Comme tout réseau social, cette compétence est exponentielle, plus on est connu plus on est invité. On retrouve aussi ici des compétences, à un niveau plus exigeant, des blocs 3, 4 & 5 du référentiel du doctorant.

On retrouve ici des compétences de travail collaboratif (CC1 à CC3) et management d’équipe (EE1, EE2) car les sujets et même les projets de recherche sont essentiellement collaboratifs que ce soit pour la direction ou les work packages d’un projet de recherche multiéquipe. On retrouve aussi ici des compétences, à un niveau plus exigeant, du bloc 6 du référentiel du doctorant.

On trouve ici un bloc de compétences original par rapport aux compétences du doctorant ou de l’encadrant. De la génèse à l’achèvement du projet, le porteur de projet ou le steering committee doivent gérer les aspects scientifiques, techniques, organisationnels, humains, temporels, légaux… Ilustrons cela par les compétences attestées de la fiche RNCP23805 « Manager de projet20 ».

Le manager de projet doit être capable d’exercer sa responsabilité de manière totalement autonome (en respect avec l’organisation de son lieu de travail) dans les activités suivantes :

  1. aligner l’exécution du projet sur les objectifs de ses commanditaires / piloter et coordonner les différents acteurs / traduire les besoins exprimés en actions concrètes pour l’équipe projet / valider les livrables du projet / organiser le contrôle qualité du projet ;
  2. cadrer les actions de l’équipe projet / planifier / allouer les ressources nécessaires / maîtriser l’échéancier du projet / gérer les risques du projet ;
  3. établir le budget prévisionnel du projet et le projeter dans le temps / maîtriser les coûts / élaborer la stratégie achat du projet / piloter la sélection des fournisseurs et les négociations ;
  4. recruter l’équipe projet / animer et motiver l’équipe projet / assurer la cohésion de l’équipe et la coopération entre ses membres / suivre, piloter la performance et gérer les compétences de l’équipe projet ;
  5. identifier les parties prenantes du projet et instaurer un dialogue avec elles / assurer leur engagement / élaborer la stratégie de communication du projet / assurer la diffusion de l’information relative au projet.

La gestion des risques est aussi un point important dans la gestion des projets (recrutement, dysfonctionnement, malentendus, désaccords, ego, engagement, difficultés techniques…).

Gérer plusieurs projets implique une macrocoordination qui n’est pas simple car chaque projet a un contexte différent, des interlocuteurs différents, des attentes différentes, un calendrier différent, des ressources différentes mais parfois partagées notamment au niveau des participants. L’idéal est d’avoir un pool de sujets et projets complémentaires dans une thématique donnée. Il n’est pas donné à tous les HDR de pouvoir se construire un tel environnement.

À propos des compétences d’évaluation

On m’a fait remarquer, à juste titre, qu’« il est étonnant qu’“évaluer” soit une compétence qui n’apparait pas explicitement dans la liste de compétences attendues, alors qu’elle est évidemment présente tout au long de la carrière du chercheur ». Cela nécessite donc un développement, surtout si on traite des compétences pour l’(auto)évaluation des compétences (sic !).

L’évaluation était plus envisagée comme une activité que comme une compétence à l’instar de la remarque en bas de la page 173 au sujet de la formulation ambiguë des blocs de compétence du doctorant entre activités et compétences pour le faire. Dans ce chapitre, le terme évaluation est surtout lié à l’évaluation des compétences mais l’évaluation est omniprésente dans la vie des chercheurs, quel que soit le rôle tenu. Le chercheur est évalué et évalue de manière individuelle et collective en permanence. On évalue les travaux, les résultats, les publications, les activités, les performances, les projets, les équipes, les laboratoires, les instituts… Il faut donc être compétent pour le faire.

La compétence « évaluation » est à la fois transversale aux différents rôles et fractale sur l’objet évalué (activité, résultats, projets, coûts…), le contexte d’évaluation ou de décision (avancement, concours, individuel ou collectif…) et les enjeux (label, financement, nomination, publication…). Elle fait référence à d’autres compétences, e.g. bloc 6 du docteur, compétence 9 du maître d’apprentissage, compétence E2 de l’encadrant, etc.

L’évaluation passe toujours par le crible de ses propres exigences et de ce point de vue on dira qu’elle est juste si on n’exige pas plus des autres que de soi-même. On rejoint les compétences liées à l’éthique, aux conflits d’intérêt, aux conséquences pour soi-même et pour les autres. L’ajouter au référentiel n’est donc pas simple, il faudrait le faire pour chaque rôle et décliner sur les objets-personnes à évaluer. Nous ne l’avons pas fait ici pour ne pas compliquer le discours.

Synthèse

Fig. 4. Compétences globales.

Les différentes compétences abordées dans cette section sont additives, plus on couvre large, plus on doit avoir des compétences, comme l’illustre la figure 4 en correspondance avec la figure 1.

Il est à noter que toutes ces compétences identifiées constituent plutôt des blocs de compétences qu’il serait nécessaire d’affiner en compétences plus fines. Nous n’avons pas procédé à ce raffinement ici car l’objectif n’est pas de fournir un système de certification de compétences clés en main mais de faire réfléchir le lecteur — et plus largement la communauté universitaire — à la structuration d’un tel référentiel.

Nous invitons chacun à faire son bilan de compétences, au moyen du référentiel. Il s’agit donc d’un bilan subjectif de compétences. C’est un exercice personnel qui ne présume en rien d’une évaluation par des pairs.

Nous synthétisons ci-dessous les compétences des sections précédentes qui forment un référentiel global.

Bloc 1
Conception et élaboration d’une démarche de recherche et développement, d’études et prospective.
Bloc 2
Mise en œuvre d’une démarche de recherche et développement, d’études et prospective.
Bloc 3
Valorisation et transfert des résultats d’une démarche R & D, d’études et prospective.
Bloc 4
Veille scientifique et technologique à l’échelle internationale.
Bloc 5
Formation et diffusion de la culture scientifique et technique.
Bloc 6
Encadrement d’équipes dédiées à des activités de recherche et développement, d’études et prospective.
E1
Transmettre le savoir-faire pour arriver à une autonomie dans l’organisation (pédagogie).
E2
S’adapter au doctorant, comprendre son caractère ou son fonctionnement trouver ce qui fait avancer (empathie).
E3
Réfléchir au déroulement de la thèse et à son approche d’encadrement (introspection).
E4
Adapter son approche en continu en fonction des résultats et de la montée en compétences (agilité).
EE1
Savoir organiser le travail d’équipe (collaboration).
EE2
Pouvoir décider ensemble, de manière solidaire et démocratique (union).
EE3
Pouvoir intégrer des différences (ouverture d’esprit).
CC1
Pouvoir travailler en équipe. Savoir s’écouter, se comprendre, s’adapter, s’accepter, se faire confiance (collaborateur).
CC2
Pouvoir prendre sa place, se situer, suggérer (initiative).
CC3
Pouvoir s’adapter à chaque interlocuteur (flexibilité).
DR1
Savoir structurer l’activité de recherche en sujets et projets. Savoir positionner cette activité dans un écosystème plus large (stratégie de recherche, politique).
DR2
Savoir connaître et se faire connaître (réseau, visibilité).
DR3
Pour chaque sujet de recherche, être capable d’organiser le travail d’équipe (compétences du bloc 6).
DR4
Pour chaque projet de recherche, être capable de piloter le projet et gérer les ressources (gestion de projet).
DR5
Être capable de piloter un portefeuille de projets et en gérer les ressources transverses (Coordination de projets).
EVAL
Être capable d’évaluer objectivement, honnêtement et de manière juste quelque chose ou quelqu’un (fractal).

Conclusion

Le métier de chercheur, et plus encore celui d’enseignant-chercheur, couvre un grand spectre d’activités21 et donc de compétences pour les mener. Dans cet article, nous proposons un éclairage sur le sujet, qui peut aider chacun à se positionner et imaginer des axes d’amélioration et de montée en compétences. Le référentiel proposé ne prétend pas être complet ni affiné, un travail collectif et des retours d’expériences bien plus larges seraient à mener pour présenter un résultat plus exhaustif et consensuel.

Pour mener à bien ses activités un directeur de recherche doit développer un profil complet du point de vue scientifique, organisationnel et humain avec des compétences de savoirs, savoir-faire, savoir-être. Il doit de plus être commercial et gestionnaire pour financer ses activités de recherche ; il doit mettre en place un réseau de partenaires chercheurs et industriels pour cela. À mon avis, seule une organisation en équipe (éventuellement en plusieurs groupes) permet d’atteindre globalement ces objectifs, surtout lorsqu’on est chercheur à mi-temps.

Un autre aspect à prendre en compte est l’exploitabilité des résultats de recherche, et on peut constater que l’immense majorité des travaux de recherche et des publications a un impact mineur22 sur les progrès scientifiques et techniques, d’où la conclusion : rester modeste et avancer ensemble.

Références


  1. Les projets dont il est question, sont de deux types : les réponses à des appels à projets avec un volet financier mais aussi tout simplement l’organisation de travaux collaboratifs, qu’on appellera activités de recherche.
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000038200990.
  3. https://ed-mastic.doctorat-paysdelaloire.fr/.
  4. En pratique, j’ai constaté qu’au moins deux compétences à un niveau satisfaisant sont nécessaires pour que la thèse puisse avancer.
  5. https://www.univ-nantes.fr/recherche-et-innovation/doctorat/formulaires-lies-a-la-these-de-doctorat.
  6. https://ed-mastic.doctorat-paysdelaloire.fr/.
  7. https://ed-mastic.doctorat-paysdelaloire.fr/medias/fichier/ri-mastic-2023_1682584001370-pdf.
  8. https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/apprentissage-infographie-role_du_maitre.pdf.
  9. https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/referentiel_de_competences_matu.pdf.
  10. https://tinyurl.com/yc79nw5d.
  11. https://www.hceres.fr/sites/default/files/documents/DEI/fr_2022-dei_referentiel_doctorat_etranger.pdf.
  12. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000032587086.
  13. On trouve le cas particulier de thèses financées sur projet, pour lequel le projet de thèse doit se combiner avec le projet de recherche, et les thèses Cifre pour lesquels les enjeux de l’entreprise interfèrent aussi avec le projet de thèse.
  14. J’utiliserai aussi le terme « gérer » mais il est plus restrictif que « manager » notamment dans le rôle de pilotage des personnes et de la communication. Des différences sur la terminologie se trouvent sur le Web.
  15. https://emploi.lefigaro.fr/evolution-professionnelle/guide-de-l-evolution-professionnelle/1147-competences-manageriales-liste-et-exemple/.
  16. Extrait de https://www.assess-manager.com/referentiel-de-competences-en-management.
  17. https://www.francecompetences.fr/recherche/rncp/36493/.
  18. https://www.cnfpt.fr/evoluer/lemploi-fpt/repertoire-metiers/referentiel-managementencadrement/national.
  19. https://www.modernisation.gouv.fr/files/2022-05/ReferentielsPratiquesManagerialesMaturiteEquipe.pdf.
  20. https://www.francecompetences.fr/recherche/rncp/23805/.
  21. Les tentatives de construction de référentiels d’activités sont vouées à l’échec.
  22. Ce n’est pas qu’un manque d’ambition, c’est fortement lié à l’évaluation de la recherche et la politique de publication.